mardi 1 octobre 2013

Dents de sabre

Poésie en cristaux,
dent de tigre, ombres tracées 
comme au crayon de bois.

Poésie comme agrégat de mots 
entendus et rapportés d'autres
souffrants ou tremblants.

Poésie en dent de sabres, ombragée par degrés,
pointue,
à la fin de la nuit transperçant le sable.

dessin Josèphe

jeudi 5 septembre 2013

Espace n°2

La verticale monte et descend. Il n’y a qu’à tendre la tête pour jauger la distance qui sépare le haut du  bas.
Je suis venu ce matin, à l’appel du loup, j’ai préparé mon visage et mes qualités alignées.
Face à moi, là-haut, la liste est sans surprise, je trouverai la suffisance ou l’aménité, la fausseté ou la compassion.  
La structure ne connaît pas l’opaque, tout est ici fait pour qu’on y voit  comme en plein jour, et sans entrave, du squelette au moindre animalcule de personnel courbé sous le poids d’une charge à horaires fixes. C’est le fruit de l’époque, le monde qui veut cela. Entre les arcs de métal consciencieusement peints de blanc, les vitrages les plus clairs et les plus larges qui soient ouvrent le champ à toutes vues. Et l’illusion du jour et de l’air place l’endroit au-dessus de tout soupçon.
Dans quelques instants, je passerai de bas en haut par un sas à peine plus grand qu’une boite. L’ascenseur lui-même est transparent.
Défense de se jeter un dernier regard.
Tenu de regarder au loin pour ne pas perdre la face.
Le conscient des mots se retire calmement de moi,
L’idée que chaque employé me regarde m’élever souffle l’écume de moi,

Un nuage a fondu au soleil, c’était tout ce qui restait d’obstacle, je regarde la lumière envahir pour de bon tout l’espace, pas un recoin qui ne soit inondé, partout, oh les villes épuisées. 

mercredi 4 septembre 2013

Espace n°1


La liste est achevée. Que manque-t-il ? Une fin ? Un pays ? Le fond d’un verre avant la nuit ?
Tout a commencé par une demande claire, je veux dire une composition sensée, bien agencée, d’un mot à l’autre ainsi que des pas japonais.
Nous marchions depuis longtemps et nous avions, jusque là, chanté bien haut les airs qui nous venaient. Tous les paysages et les montagnes et les vallées, tout se tenait entre nos paumes et le sang dans nos pieds. Un espace moins clos qu’il n’y paraissait.
Atteignant les limites du jour, l’heure était venue de franchir le ruisseau. Le cours de l’eau avait enflé du printemps, jusqu’aux cuisses, et le courant poussait trop fort, tu étais trop petite. Il fallait prendre garde à sauter chaque pierre sans glisser, pour toucher l’opposé de la rive.
Tu me disais passe le premier (mais au milieu du gué) que reste-t-il à vivre ensemble dans l’espace du monde ?
Je te disais Que manquait-il ? Peut-être un peu de tout ? 
Un homme, un temple, une cité ?

Non, je parle d’ordre, de lacs, de détails nets et fiévreux sur les pieuvres et les baisers

vendredi 23 août 2013

Contentement

En se regardant dans la vitrine, puis dans la suivante et la suivante encore, son corps lui semble plutôt bâti, plutôt apte à attirer l’œil et l’intérêt, c’est selon, le teint, les infimes caractères déformants du reflet, la distance entre lui et la surface miroir. Avant que la rue ne s’achève, il se sera fait une idée précise de son image du jour. Il n’est pas loin de penser à mi-route que ce mardi lui est favorable, tant l’allure de son pas prend ses aises dans ce pantalon de toile claire, tant la barbe qu’il a décidé de conserver ce matin trouve un prolongement évident dans le tombé de sa veste. Il accroche quelques regards, il est bien, il porte fier, il se sent pousser des ailes et le pigeon vise juste entre les deux oreilles. 

mercredi 21 août 2013

L'imitation

Quelques matins, la bobine s’enroule, formant de son unique fil, couche sur couche, un corset vert et luisant. Elle se lève, nous regarde, semble absorber nos visages, ses yeux absents ne l’empêchent pas de nous voir.
La bobine se dresse puis s’allonge aussi vite en forme de jetée poussée sur le devant de la mer, la cale. Elle se relève d’un coup net et nous la perdons de vue. La bobine est l’enfant d’entre elle et moi.
Nous la savons absente la majeure partie du temps, mais quelques matins, celle qui, les veilles au soir (nous ne nous couchons pas si tôt) n’était qu'un tas de laine hérissée de filaments, reprend sa place dans la famille, tombant des escaliers pour nous rejoindre plus vite, ou sautant des fenêtres pour nous semer, par jeu, perchoir, chat perché.
La bobine, ma chère Adélaïde, corset sur un tube cartonné ; cartonné, entouré du long fil de laine. Que ta mère depuis lors déroule dès qu’elle retrouve trace de toi aux abords de nos ombres.

samedi 18 mai 2013

Fin juin début juillet



Le long du long des murs de briques, Bruxelles a les yeux doux de la bruine

Les rues, fils parsemés de nœuds, boivent les maisons aussi dissemblables qu'éloignées de l'envers
Le dernier visage, celui qui restera, de toi, dormait assis sur le lit blanc comme neige, chambre bulle, crâne chauve, saint suaire

Si l'on te retrouvait, si l'on se souvenait de cette Face, Borges avait raison, Bruxelles, par tes traits, donnerait à chacun des douze fois douze perdus de toi la clé de toute parabole

Elle a souri aux premiers jours de juillet, nous pleurions là, Bruxelles, tant belle, tant éloignée de la Manche où chaque poussière de cendre est une sainteté

la tienne

Rappelée au long du long des murs rouges et gris de Bruxelles. 



mercredi 15 mai 2013

où coule l'air


Habitants des roches,
Où  repose la toiture de ce monde,
il est temps pour vous d’amarrer les mers
car la nuit menace même les rives qu’on croyait aurifères 



vendredi 19 avril 2013

Au père

Sur les rives indécentes du dire et parfois du pleurer
Sur les boucles des cheveux tombés, tombant, comme feuilles mortes,
Comme ramassées à la pelle
Sur les aires carrées, planes ou immenses, sur les plains-chants d’abbaye

Les chants qui l’accompagneront, y aura-t-il tout ça, encore à soupirer, à se séparer, se retrouver, se séparer, se retrouver, racornis et maladifs, soupirés du grand monde où l’on se nommera à tour de rôles, désirs, fils, père, grand-père, souvenirs, oubli

mercredi 9 janvier 2013

Les lettres doubles

Casseur de vin. Rouge. Comme immédiat.
Deux lettres jumelles. Doubles et doublées. Doublures de ce qu'on ose à pesanteur, écrire.
Dès aussitôt que la pesanteur retenante a fini de lier, nous, je replonge dans l'immense activité que de vivre, de se lever et de parler à nouveau, d'écrire, d'écrire pour celle qui ne tarde pas, mais veille pour moi qui cueille.
Dans les cercles rompus, sur les marches qui grimpent, vers Béatrice, vers Amatride, Andromaque, vers Camille, la figure réimagée dès lors que sur scène tu parais pour me remettre à flot.

Dès qu'un peu de vin cassé par le fond des hauts tout là haut de l'ivresse commençant à peine tu livres et délivres l'enfant venant.
Passée l'odeur astringente des rimes, regarde les bateaux perdus, les seize marins lâchés en mer pleine, l'Iroise, je t'aime comme après tous les vins bus, après tous les minéraux caillouteux, ils craquent sous une et deux et trois et quatre semelles amoureuses de t'aimer plus qu'un rivage, plus même qu'un souvenir.
Te rends-tu bien compte?

Et bien ce ne serait qu'un début.
Si tout aurore, tout champ, tout embrasement christique, tout souvenir nous revenait d'un coup à la surface, au premier jour.
Ecrire l'incapable souvenir de ne savoir rien encore, avant toi, avant la vie, avant l'incendiaire vin cassé de nos bouches fertiles.