vendredi 28 août 2009



Tu sens bon comme une étoile
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jeudi 27 août 2009

Les soeurs



Le corps de sa jeune soeur sort du mur tout doucement, elle apparaît au milieu d'une pièce à la lumière entrouverte
On est en été puisque ses bras sont nus et ses jambes solaires.
Elle est toi sans le comprendre
Mis au jour sous le faisceau, ses cheveux aussi fins que la soie se mélangent aux poussières du jour et se prennent pour des planctons dérivant. Je revois Judith et le marais de nuit. Les crapauds sifflent leurs airs de flûte, énervés de ne pas trouver le sommeil.
Parfumée par un piano sous l'arbre du lac, elle apprenait ce matin les Chevaux de Bois en s'appliquant pour ne pas disparaître de la photo.
Tu lui as demandé de prendre la pose sur ce lit de paille, dans cette chambre éclairée par l'été
Elle s'écorche de la vie qui la quitte chaque nuit quand la fenêtre et le soleil se taisent
Quand la maison dort, elle s'approche transparente de la lisière de l'étang, pieds nus, et défie la peur d'une mélancolie à venir
Et ce livre que tu poses dans ses mains
elle ne le lira donc jamais
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Photo Alice de S.

mardi 25 août 2009

Ferdinando Scianna

A l'ouest et au sud, Ferdinando prenait les photos de la chaleur et des chiens terrés à l'ombre.
Il sortait de son oeil bleu des robes de fêtes et des deuils mythiques
Quand un velours de peau si bien caressée sait hanter les yeux des hommes, on croit aux vierges en procession et aux loups de forêts sans arbres
La terre est faite de cailloux, et les enfants la jettent sur les vieux matous
Les ombres découpent la gélatine comme des couteaux de vengeance sicilienne
La peau bronze et tanne au soleil noir des grâces de Scianna

lundi 10 août 2009

Quart de nuit

Les halos bleus du soir s’accrochaient aux iris et faisaient dévier les pas de ceux qui s’essayaient à marcher sur l’eau.
Sur l’île de sable devaient encore traîner quelques aigrettes somnambules qui gardaient calmement le silence
De mon observatoire je tenais le quart.
Un robe rouge s’agitait et remuait comme une fane mal éteinte.
Je la savais qui me tournait autour sans me regarder.
Je pensais aux autres restés là-bas, je pensais à ceux qui dormaient au fond de leur cabines trempées de langueur et d’attente.
Ceux-là devaient dormir d’un sommeil sale tenant leur têtes au creux de leurs bras lourds. Eux qui s’étaient gravés sous la peau des baumes d’Inde et des vapeurs d’Islande. Je chantai en pensant au calfat mort de chagrin dont me restait un peu de gris au fond des poches. Il nous avait tant protégés des lames et des brisants avant que l’amour idiot ne finisse par le pousser à l’eau.
Je fumais en claquant des dents et rien ne bougeait plus.

Depuis le haut de ce grand mât immobile, j’étais la vigie de notre navire emprisonné.
Troisième nuit à mouiller là sans plus d’espoir d’en sortir. La vermine avaient bien eut raison de notre coque et la mort gagnait un à un chacun des compagnons.
J’avais perdu la peur à mesure que gagnait le désespoir. Nous ne partirions plus et aucun bateau fou, même fin soul, ne viendrait croiser par là.
Sous les crânes de ceux qu’on n’avait pas encore jeté à l’eau, raides et lourds comme plomb, la folie avait doucement creusé son sillon ; et s’ils ne dormaient pas, ils se touchaient les pupilles en espérant avoir la force de les crever.
Toute calme, la mort avait tapissé les cales et les cabines.

C’était le clair et le berçant
Une image de savon dont je ne savais plus le goût
Striait dans mon ventre sec le peu de nuages que ne recouvrait pas la lune

J’aurais pu espérer que la fane se pose sur moi, j’aurai pu vouloir tomber de mon mat pour m’écraser sur le pont, j’aurai pu attendre que tu viennes.
Mais le courant de fond tirait plus fort que le vent dans les voiles.
Enfin
Je ne voyais plus que mes doigts approcher de ma bouche le clope incandescent, je sentait mon nez froid, ma bouche sèche, mes pieds gonflés, mes cheveux salés, mes yeux coulant, débordant.
Car je commençais d’être homme à l’heure de mourir.

vendredi 7 août 2009

Procession

(Elephant Gun)
Crois-tu que nous pourrions comprendre ? Quand on passe ici, tout s’éclaire, le goût des lèvres roses soufflant sous les pins d’Armor, la tiédeur d’une cuisse à la belle étoile. Quand on passe ici, on ne s’attend plus au retour puisque l’aller a pris la poudre des champs, la clé des scampettes. Un air somnolant de trompette envahit la fin de ce soir bruissant où tous les corps se sont promis la lune et les montagnes et même parfois la vie entière à bord de l’eau changée en mer, du pain transfiguré.


Il faut imiter Wang Fo, il faut peindre l’eau avec de l’eau et s’allonger sur le sol de juin, ne courir derrière rien ni personne que l’éternel recommencement qui sait tout.


La fête n’arrive pas à s’éteindre et les trompettes épuisées continuent de porter nos pieds sur les cailloux et dans le vin des mariés. C’est là que nous sommes immensément connus. Les guirlandes tournent et tombent à la renverse devant le maître chanteur. Canaa n’en finira jamais de nous faire ivres et de nous faire danser.

jeudi 6 août 2009

Rencontre


Souvent les visages qu’il croise sont une flamme de bougie qu’allume un bout de mèche blonde.
Et le marin meurt aussitôt.

Il regarde, s’attarde au balcon de pierre mais ne veut pas parler

Il y a qu’il regarde caché
Il y a qu’il a peur de penser ce qu’il dit
Il allume les visages en fil bleu, en fine rouge, en heure d’été

Il y a les idées d’îles et de déni

Une goutte tombe alors de l’air pour se poser à lui
Qui pensait que se taire suffirait à passer la nuit

Il regarde attendri et brunit le tabac

C’est tentant de brûler des marins qu’on soit d’ici ou de là
Mais si la mer se vide de ses étoiles
Que ferons-nous des enfants et des femmes ?

Les yeux se tentent, au moins pour commencer

Il est l’heure bientôt de rentrer t’embrasser
Les silènes m’attendent et le vin est tiré
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mercredi 5 août 2009

Reflets


Un son de mer noire, le saut dans l’air chaud d’Istanbul.
Les Aziyadé voilées se donnent à des marins sans cœur.
Tu es revenue

mardi 4 août 2009

Berlin


Les traceurs de lune ont éparpillé sur les murs des éclats de siècle
Nous regardons le temps se défiger et les espaces s’agrandir encore plus loin.
Ils cognent sans marcher au pas, ils peignent et nous voilà.
Les sons frappés et jetés en pure piraterie
Nous ne dormons plus.
On voit les espaces, elle porte court ses cheveux en ruban, j’y pense en dansant, quand je n’y bois plus clair.
L’esprit souffle.
Et mêlé à nous, le septième que nous ne cesserons jamais d’aimer.
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lundi 3 août 2009

Train de nuit



Tout défile aux fenêtres de nos trains immenses. Des tunnels et des forêts bleues comme la nuit. Je vois se cacher l’aulne et le Vercors, le port à venir et les couchettes en fond de vallée. Sans tunnel puisque tout est offert au vent froid des campanules endormies.
Roulant encore au milieu des cloches violettes, j’en vois un là-bas qui me regarde et qui m’agace.
Il prend des airs de hors-la-loi que je n’ai pas.
Il prend ses aises dehors, de l’autre côté du verre, là où je ne vis ni ne dors.
Et la forêt, vaguement ondule, se prend au jeu de la marée, se retire de la vallée.
Etais-je alors la force ou la nature ?